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Banishers : Ghosts Of New Eden, le mieux est l’ennemi du bien

Après des années à faire des AA narratifs, Don’t Nod tente sa chance dans la cour des grands avec Banishers Ghosts of New Eden, le projet le plus ambitieux du développeur français. Ayant fait forte impression lors de ses présentations, ce God of War-like sauce paranormale a-t-il les épaules assez solides pour faire franchir un palier au studio Parisien ? Verdict.

Test réalisé sur PlayStation 5
Version numérique fournie par Focus Entertainment.
Terminé en mode normal en 26 heures.

Sortie le 13 février 2024
Développé par : DON’T NOD
Publié par : Focus Entertainment

Souviens toi l’été 2013

Avec la sortie de Remember Me, il y a 11 ans déjà, Don’t Nod affichait déjà de très grandes ambitions : vouloir titiller les plus grands en y apportant sa touche personnelle, une écriture léchée et profonde, qui deviendra la marque de fabrique du studio. Suite à son échec cuisant (une injustice à mes yeux), le studio a frôlé la disparition, mais grâce au touchant Life is Strange, le studio a redressé la barre en trouvant par la même occasion un style qui lui est propre, porté par des projets intelligemment dimensionnés.

Avec cette volonté de garder la narration au coeur de leurs jeux, les équipes de Don’t Nod nous ont toujours proposé des histoires touchantes, dans lesquelles le joueur devait faire des choix, souvent cornéliens, pour faire avancer le récit qui s’adaptait en fonction des embranchements choisis.

Une évolution de la formule Telltale, plus ludique, souvent mieux écrite et surtout beaucoup plus terre à terre. On a évité de peu l’overdose tant la formule a depuis été essorée : la petite ville américaine isolée avec son héroïne un peu perdue dans ses surchemises à carreaux trop grandes pour elle, un shérif patibulaire, une gérante de bar peu commode mais avec un grand coeur… de Captain Spirit à Twin Mirror en passant par Tell me Why, le studio avait sûrement à coeur de passer à autre chose.

Il y a quelques mois, Jusant extrêmement touchant et juste, nous a montré que Don’t Nod savait s’éloigner du « Life is Strangisme », pour notre plus grand bonheur. Il fallait désormais passer l’étape d’après : sortir un vrai jeu d’envergure, mais Don’t Nod a-t-il les épaules pour ça ? 

Sos Fantômes 1695 

Banishers, c’est le plus gros projet de Don’t Nod. Action RPG très inspiré par God Of War, l’histoire nous propulse au XVIIème siècle, dans la proto-Amérique d’alors, près de la ville fictive de New Eden. Cette dernière est en proie à des manifestions paranormales inquiétantes, à base de sorcellerie et de possessions. 

Antea Duarte et Red mac Raith, un couple de Bannisseurs réputé, vont rejoindre leur mentor Charles pour découvrir quel mal ronge la cité du nord-est de la Nouvelle Angleterre. Les Banisseurs sont un peu les Ghostbusters de cette uchronie dans laquelle la magie, le paranormal et la sorcellerie existent bel et bien. Sauf que New Eden est devenue l’épicentre de tout le mal qui ronge la région. Les morts sortent de terre, les habitants fuient aux alentours et même l’expérimenté Charles y laissera sa peau.

Nos deux tourtereaux ne se débinent pas et vont quand même affronter le Cauchemar dans l’église : un affrontement qui tourne au désastre, coûtant la vie à Antea et laissant Red pour mort, propulsé dans une mer déchaînée après un saut de plusieurs dizaines de mètres.

Heureusement, une sorcière va le tirer de là et, surprise, Antea n’a pas rejoint le royaume des morts. Une situation ironique pour un Bannisseur, être lui-même hanté par sa propre femme. S’offrent à Red deux choix : suivre son voeu de Bannisseur et tout faire pour qu’Antea s’élève dans l’au-delà, libérée de tout ce qui la rattache à ce monde, ou bien tout faire pour la ressusciter. Ce choix, c’est au joueur de le faire, et ce tout au long du titre. 

Vivre ou Mourir

Structurées en missions principales et secondaires, toutes ces activités auront la même finalité : mener une enquête auprès de personnes hantées pour savoir qui les hante, pourquoi elles sont hantées et finir par choisir de bannir ou de bénir le fantôme, ce qui aura pour cause de favoriser l’ascension et donc la mort définitive d’Antea, ou bien de prendre la vie du vivant, pour favoriser la résurrection de sa bien aimée.

Les choix n’auront vraiment de conséquences qu’à la fin du jeu, et il est rarement simple d’identifier un bon choix : toutes les personnes hantées par l’un de leurs proches ont tout autant de raisons d’être bannies qu’absoutes. Libre au joueur de choisir au cas par cas ou de se tenir à l’une des deux possibles promesses faite à Antea.  

Sur le papier, ne demander que de faire leur métier à des bannisseurs est une très bonne idée. Après tout, inutile de leur demander de chasser un gibier, de jouer les coursiers FedEx ou de résoudre un conflit de voisinage : Red et Antea (que seul Red peut voir) sont des chasseurs de fantômes, et comme quasiment tout le monde dans la région de New Eden est hanté, autant en profiter pour les faire charbonner.

Le problème, c’est que malgré une écriture toujours juste et des personnages secondaires très bien travaillés, profonds et en proie à de sacrés dilemmes émotionnels, le nombre de cas à résoudre est beaucoup trop important. Après quelques missions secondaires, j’ai rapidement préféré me focaliser sur la quête principale, que j’ai bouclé en plus de 26 heures. 

26 heures, c’est plutôt long, donc autant espérer que l’histoire soit captivante, les boucles de gameplay ludiques et suffisament évolutives pour nous tenir en haleine tout ce temps. Et malheureusement, malgré toutes les bonnes intentions de Don’t Nod, le jeu peine à tenir le coup sur la durée.

La plus belle plume 

Côté scénario et écriture, rien à redire : le studio français a toujours excellé dans ce domaine et Banishers ne déroge pas à la règle. Antea et Red forment un beau couple, ils s’aiment, ils se le disent, ils se le montrent et c’est suffisamment rare dans notre média pour être souligné, d’autant que c’est écrit avec finesse et justesse. Plein d’humour, ils n’hésitent pas à se vanner, à être incisifs quand il le faut ou à se questionner sur leur vie : pas de doute, un soin tout particulier a été accordé à l’écriture des deux protagonistes, auxquels on s’attache très vite, et ce jusqu’aux dernières secondes de l’aventure.

Et globalement, tous les PNJ bénéficient eux aussi d’un background travaillé, ce qui rend la colonie de New Eden et ses alentours très crédible. Tout ce beau monde a ses secrets, certains traînent un lourd vécu, leurs histoires s’entremêlent et le tout donne une impression de « vraie vie ». Chaque résolution de cas nous rapproche de la source du mystère, tout en levant le voile sur certains personnages croisés ci et là : vraiment Don’t Nod met encore une fois la barre très haute et sur ce terrain là, ils sont parmi les meilleurs.

Le scénario en profite pour aborder habilement certains sujets sociétaux comme la condition des femmes, le respect des minorités ou le traitement des autochtones.

Dommage cependant que le tout traîne trop en longueur ; à vouloir entremêler constamment les intrigues et les sous intrigues, on perd un peu le fil. Heureusement que le menu nous détaille chaque pan du scénario et nous propose une petit biographie de chaque PNJ important croisé.

Le tout aurait surement mérité d’être un peu plus aéré et condensé, d’autant que si l’on veut résoudre toutes les quêtes secondaires il faudra rajouter un bon paquet d’heures au compteur. Et clairement, à moins de tomber raide dingue de l’univers et du lore de Banishers, c’est trop long.

Ghost of War 

Cette sensation de trop long est malheureusement accentué par un gameplay qui s’essouffle beaucoup trop vite. Les intentions étaient bonnes : vouloir appliquer la formule des récents God Of War, en proposant un rythme calqué sur les aventures de Kratos : un monde découpé en zones semi ouvertes dans lequel on alterne exploration, énigmes et combats.

Action RPG oblige, on pourra changer son équipement, l’upgrader et dépenser nos points de compétence dans des arbres qui se dévoilent au fil de l’aventure. Si l’ensemble est bien ficelé, dommage de n’avoir pas su esquiver le piège du loot à outrance : on passe trop de temps à ramasser toutes sortes de ressources, à piller des coffres et à cueillir des végétaux histoire de monter son équipement. Dans un jeu déjà trop long, c’était largement dispensable. 

Les arbres de compétences mêlent les capacités de Red et d’Antea, avec un système original de points spécifiques à chaque personnage et de compétences qui se débloquent que si l’un et l’autre disposent de points. Red gagnera ses points en remplissant les missions principales, Antea en bouclant les missions secondaires.

Et là encore, malgré une bonne intention de base pour donner une vraie carotte aux quêtes annexes, on se trouve rapidement face à un vilain dilemme : se farcir de longues missions secondaires ou se priver de certains pans des arbres de compétence. Cela aurait été plus judicieux de nous laisser choisir à la fin de tout type de mission quel personnage récupère un point, au moins ça aurait évité au joueur de devoir se forcer à grinder. 

Ragna-glauque 

Le monde est globalement bien construit, avec des environnements variés allant de la forêt aux marécages en passant par les montagnes enneigées ou les mines.  Du classique, oui, mais le tout est baigné dans cette ambiance glauque, poisseuse et pesante propre au jeu. C’est vraiment l’une des forces du titre : à l’image de son scénario maîtrisé, l’atmosphère générale lui fait écho de manière brillante, plongeant le joueur dans un monde qui brille par sa cohérence.

Oui certains environnements sont moins tape à l’oeil que d’autres, oui certaines textures sont un peu grossières, oui tout cela n’est guère original sur le papier, mais l’important c’est que cela fonctionne, et ici la magie opère avec brio. D’autant que la Direction Artistique globale est vraiment quali : outre le soin tout particulier apporté aux designs des personnages, en particuliers les principaux, on sent que chaque environnement a été pensé pour être comme lesté par une malédiction sournoise.

Si il ne brille pas toujours par sa technique, sa DA penche largement en sa faveur. Mention spéciale pour la très bonne spatialisation du son, et les excellents doublages (en anglais). Enfin, sur PS5, la DualSense est bien exploitée, notamment au niveau des gâchettes et des vibrations. On apprécie l’effort. 

Dommage donc que la technique ne soit pas à la hauteur : en mode performances le jeu souffre constamment de chutes de frame-rate, avec de gros drops de FPS à certains endroits, en plus de sacrifier la résolution. C’est pourtant ce mode que j’ai privilégié, car personnellement les 30 FPS désolé mais je n’y arrive plus, surtout dans un jeu d’action avec autant de combats. 

Et c’est là que le jeu se prend vraiment les pieds dans le tapis, à mon plus grand regret. C’est dommage car les ingrédients de base étaient là : coup faible, coup fort qui peut se charger, combos, parade, parry, esquive, coup spécial (bannissement)… sans oublier la valeur ajoutée qu’apporte Antea, sur laquelle on peut switcher à tout moment pour des attaques magiques intéressantes, voir des attaques synchronisées si on les débloque dans l’arbre de compétence.

Mais les combats sont trop nombreux, trop répétitifs, les ennemis sont des sacs à PV qui se renouvellent trop peu… Ajoutons à ça un lock approximatif et une caméra qui perd vite les pédales, on a tout le cocktail d’une boucle de gameplay qui devient pénible. C’est frustrant car la base est bonne, mais dans l’exécution ça pêche trop pour s’en satisfaire. On retiendra quelques boss fights très sympas, avec des patterns et des designs travaillés intelligemment. 

Une ambiance envoûtante

Un scénario captivant et bien ficelé

Antea et Red, un couple attachant

Des décisions morales difficiles à prendre

Des PNJ aux histoires travaillées

Le soin apporté à la Direction Artistique

Un terrain de jeu varié et bien dimensionné

Une formule A-RPG classique mais efficace

Le jeu traîne en longueur

Les missions secondaires, répétitives et trop nombreuses

Caméra à la ramasse, ennemis sacs à pv... : les combats sont mal maîtrisés...

...et ils sont trop abondants

La technique a du mal à suivre

0 /10

Don’t Nod a vu grand pour Banishers Ghost of New Eden, et s’en sort relativement bien malgré la hauteur de la marche à franchir. Tout n’est pas parfait, loin de là : le jeu souffre de longueurs pénibles, de combats médiocres et d’une technique toussotante. C’est rattrapé par une ambiance incroyable, des personnages ultra attachants et une écriture globale de très haute qualité. Du coup, Don’t Nod a peut-être vu un peu trop grand : on souhaite que Banishers devienne une vraie franchise car cet univers à beaucoup à raconter, son potentiel est vraiment gros, mais à l’avenir il faudra sans doute revoir un peu la copie pour en faire un vrai banger. En l'état, Banishers Ghost of New Eden est un bon jeu, et en se focalisant sur l’aspect narratif ça en devient même un très bon jeu. On n’en attendait pas moins de ce côté là du studio parisien, mais désormais il faut aussi assumer les autres systèmes de jeu implémentés. On leur souhaite d’avoir l’opportunité de corriger ces erreurs de débutants avec une suite !

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